ODDO et la petite statuette Arménienne




La petite statuette Arménienne, histoire sans fin

 

En septembre 2015, à proximité de  Maurs La Jolie, dans le cantal, sur la route entre Figeac et Aurillac, Jean Loup Ulrich, habitant de Cahors, découvre par hasard au bord de la route, dans un dépôt sauvage de déchets de chantier, une petite statuette recouverte partiellement de plâtre et ciment.

Etant lui même artiste peintre et également sculpteur, il récupère ce morceau de bois qui le fascine et le ramène chez lui. Après un long bain, un nettoyage délicat avec une brosse et un délicat toilettage, il découvre la statuette que voici ; on peut y lire gravé sur le socle  : ODDO A-Z 1922.







Jean Loup Ulrich, intrigué et curieux, recherche à quoi peut bien correspondre l’inscription « ODDO » et voici se qu’il découvre : le camp d’ODDO fut du 27 novembre 1922 au 22 avril 1927 un des lieux d’accueil mis à la disposition des réfugiés à la suite de la première arrivée massive des arméniens à Marseille.  58.000 réfugiés arméniens ont débarqué dans le port de Marseille à partir de 1922, suite aux bouleversements géopolitiques survenus au Proche-Orient, notamment à l’évacuation de Smyrne, en septembre 1922, et l’entrée des Turcs kémalistes en Cilicie, après le retrait de la France.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_Oddo

https://youtu.be/-9jr9PYH-9k


À partir de là, toutes les hypothèses sont permises : s’agit il d’un jouet pour enfant , de l’ébauche d’une sculpture inachevée, d’un gisant sur son lit de mort dans le camp ODDO , dont les initiales sont A-Z ? ; aucune hypothèse ne peut être écartée,  chacun peut laisser aller son imagination. 






Jean Loup contacte un ami de Cahors, Benoit Rammaert, sachant qu’il a fait un séjour  en Arménie avec moi. Benoit m’envoie des photos et nos recherches commencent ; nous consultons les fichiers de l’association ARAM  à Marseille qui conserve les listings d’entrée et de sortie du camp ODDO.

La région la plus proche où des Arméniens sont venus travailler est le bassin minier de Decazeville avec sa mine de charbon à ciel ouvert. Nos recherches s’orientent vers le cimetière, l’état civil, les archives etc, sans succès à ce jour.    

https://webaram.com/

Dans le répertoire des 5541 migrants arméniens du camp d'ODDO , il y a une seule personne en 1922  pouvant correspondre,  si l'on pense qu'elle a gravé les initiales de son nom et prénom :  ANDREASSIAN  Zartouhi , âgée de 17 ans , originaire de Kharpout , enregistrée sous le n° 277 , arrivée le 30.11.1922 et partie  en mai 1925    ( elle était accompagnée de  sa petite sœur :  Makrouhi , âgée de 15 ans , n° 276, arrivée avec elle  et partie en octobre 1924) ...  j'ai cherché aussi les noms commençant par A  et prénom Z  ...   mais il y a peu de noms possibles en 1922 car le répertoire commence le 27 novembre 1922. Il n'y a pas d'autres ANDREASSIAN en 1922  ( ni répertoriés jusqu'à la fermeture du camp en 2027 ) : 2 sœurs orphelines ?  arrivées sans leurs parents ??  le fait que ce soit une fille complique les recherches car elle a pu ensuite changer de nom en se mariant ..... 

 https://www.ladepeche.fr/article/2017/08/10/2625841-10-aout-1944-ne-jamais-oublier.html

https://www.centrepresseaveyron.fr/2016/06/07/le-bassin-cette-terre-d-exil-pour-les-armeniens,3954397.php

En 2016, à la suite de nos recherches, Jean Loup reçoit des offres d’achat pour la statuette.Il se braque et décide de la garder définitivement dans sa collection d’art brut. Comme il nous l’a dit, il ne veux pas vendre cet objet qui est une preuve du génocide des Arméniens ; si nous retrouvons les descendants ou héritiers de « A-Z 1922 »  il  la leur donnera, sinon il la conserve.

Les années passent… ,En septembre 2021 nous étions attablés,moi-meme, en compagnie de  Raymond Kevorkian ,Jean Pierre Seferian et Benoit Rammaert et nous venons à parler de la statuette. L’idée quelle soit à l’avenir conservée et exposée au musée du Génocide à Erevan en Arménie ( dont Raymond Kevorkian est le président )  nous parait être la meilleure solution. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tsitsernakaberd

Dans les jours qui suivent Benoit contacte Jean Loup Ulrich qui accepte l’idée de se séparer de la statuette ODDO non sans un pincement au cœur, mais il est bien conscient qu’elle doit rejoindre les siens, sa famille, les Arméniens et sa patrie pour y être vue par un maximum de visiteurs du monde entier ; c’est donc ainsi qu’aujourd’hui la statuette est momentanément à mes coté en attendant son transfert vers l’Arménie pour rejoindre le musée National du Génocide de Erevan , sans doute en Avril 2022.









Sarlat octobre 2021

Daniel Arabian                                                           

 

Les mots de Jean Loup Ulrich :

Bonsoir ! J’adore l’art brut et cette pièce m’était très chère dans son éther de tant de souffrance.

Mon cœur et ma raison (surtout mon cœur dirait Racine) me font restituer une petite flamme témoin du génocide Arménien, toujours étouffé en fait par une omerta mondiale (presque inexplicable)..

Vous pouvez mettre mon nom ! Ma façon à moi de bouter les négationnistes

Bien à vous

Jean Loup Ulrich


 

Un récit qui vient compléter la fiche sur le Camp Oddo > https://tourisme-marseille.com/.../camp-oddo-refugies.../








source : https://tourisme-marseille.com/fiche/camp-oddo-refugies-armeniens-de-marseille/






 Kharpout ou Harpout (en arménien : Kharpert ou KharberdԽարբերդ ; en kurde Xarpêt ; en turc Harput) est une petite ville de Turquie de 30 000 habitants, située en altitude dans une zone aride. 

En novembre 1895, durant ce qu'on appelle les massacres hamidiens, Kharpout fut attaquée, de nombreuses maisons, églises et monastères arméniens pillés, les écoles protestantes brûlées. De nombreux arméniens périrent dans les massacres. En 1915, Kharpout fut également l'une des villes touchées par le génocide arménien2.


C'est le même spectacle qui s'offre, à Kharpout, aux yeux du consul américain, Leslie A. Davis, en ce qui concerne les habitants arméniens de la ville :

« Le premier transport eut lieu dans la nuit du 28 juin. Dans ce groupe se trouvaient quelques professeurs du collège américain et d'autres Arméniens de condition, comme aussi le prélat de l'Eglise arménienne grégorienne. Le bruit courut que tous avaient été tués, et l'on peut malheureusement à peine douter qu'il n'en soit ainsi. Tous les soldats arméniens furent aussi déportés de la même façon. Une fois arrêtés, ils étaient enfermés dans un bâtiment à l'extrémité de la ville. On ne fit aucune distinction entre ceux qui avaient payé la taxe légale d'exonération et ceux qui ne l'avaient pas payée. On prenait l'argent et on les arrêtait ensuite comme les autres pour les exiler avec eux. On disait qu'ils devaient être amenés quelque part pour travailler aux routes, mais personne n'a plus eu aucune nouvelle d'eux, et sans doute le travail n'a été qu'un prétexte.

« Comme un rapport de même source sûre nous informe au sujet d'un événement semblable qui eut lieu le mercredi 7 juillet, leur sort est bien décidé d'avance. Le lundi 5 juillet, beaucoup d'hommes furent arrêtés aussi bien à Kharpout qu'à Mézéreh* et jetés en prison. Le mardi, au point du jour, ils en furent retirés et durent se mettre en marche dans la direction d'une montagne presque inhabitée. Ils étaient environ huit cents, divisés en groupes de gens liés ensemble, par groupes de quatorze. Dans l'après-midi, ils arrivèrent dans un petit village kurde, où ils passèrent la nuit dans les mosquées et d'autres bâtiments. Pendant tout ce temps, ils n'avaient rien bu ni rien mangé. Tout leur argent et la plus grande partie de leurs vêtements leur avaient été enlevés. Le mercredi de bonne heure, ils furent conduits dans une vallée éloignée de quelques minutes. Là, on leur ordonna de s'asseoir tous. Alors les gendarmes commencèrent à tirer sur eux, jusqu'à ce qu'ils fussent presque tous morts. Quelques-uns parmi eux, qui n'avaient pas été tués par les balles, furent achevés à coups de couteaux et de baïonnettes. Quelques-uns réussirent à rompre la corde qui les rattachait à leurs compagnons de souffrances et à s'enfuir. Mais la plupart d'entre eux furent poursuivis et tués. Le nombre de ceux qui purent échapper ne dépasse sûrement pas deux ou trois.

« Parmi les tués se trouvait l'économe du collège américain. Il y avait aussi parmi eux d'autres personnes de qualité. Jamais aucune accusation d'aucune sorte ne fut élevée contre ces gens. Ils furent arrêtés et tués pour la seule raison que le plan général du gouvernement était de se débarrasser de la race arménienne.

« Hier soir, on conduisit dans une autre direction plusieurs centaines d'autres hommes, soit ceux qui avaient été arrêtés par les autorités civiles, soit ceux qui furent recrutés comme soldats ; tous furent tués de la même façon. Ceci doit être arrivé à un endroit situé à moins de deux heures de distance de la ville. Quand il y aura un peu plus de calme, j'irai moi-même à cheval, pour essayer d'établir ce qui en est.

« Ces mêmes événements eurent lieu dans nos villages, d'une façon systématique. Il y a deux semaines environ, trois cents hommes de Itschnek et Habousi, deux villages à quatre ou cinq heures de distance d'ici, furent rassemblés, conduits ensuite sur les montagnes et massacrés. Ce fait semble absolument certain. Beaucoup de femmes de ces villages sont, depuis lors, venues ici et l'ont raconté. Des bruits semblables arrivés d'ailleurs circulent ici. Il semble qu'on ait le plan définitif de se défaire de tous les Arméniens. Cependant, après le départ des familles, durant les deux premiers jours où l'ordre fut exécuté, on notifia que les femmes et les enfants qui n'avaient aucun homme dans leur famille pouvaient provisoirement rester. Plusieurs crurent alors que le pire malheur était passé. Les missionnaires américains se mirent à faire des projets pour venir au secours des femmes et des enfants restés sans moyens de subsistance. On pensait à fonder un orphelinat pour prendre soin d'un certain nombre d'enfants, surtout de ceux qui étaient nés en Amérique et avaient été amenés ensuite ici par leurs parents, et de ceux dont les parents étaient attachés d'une façon quelconque à la mission américaine. Il y aurait eu de nombreuses occasions, même en ne disposant pas de moyens suffisants, de prendre soin des enfants qui arrivaient ici des autres vilayets, et dont les parents étaient morts en route.

« J'allai voir hier le vali pour en causer avec lui, et j'essuyai un refus net. Il me dit : "Nous pourrions aider ces gens, si nous voulions, mais ériger des orphelinats pour les enfants, c'est l'affaire du gouvernement ; et nous ne pouvons entreprendre une telle œuvre."

« Une heure après que j'eus quitté le vali, on fit savoir que tous les Arméniens restants, y compris les femmes et les enfants, devaient partir le 13 juillet. »

 

Le consul a vu passer aussi ceux qui venaient de plus loin déjà : « S'il ne s'agissait simplement que d'aller d'ici à un autre endroit, ce serait supportable ; mais chacun sait que, dans les événements actuels, il s'agit d'aller à la mort. S'il pouvait encore régner quelque doute là-dessus, il serait complètement dissipé par l'arrivée d'une série de transports qui, venant d'Erzeroum et d'Erzindjan, comprenaient plusieurs milliers de personnes. J'ai plusieurs fois visité leurs campements et parlé avec quelques-uns d'entre eux. On ne peut absolument pas s'imaginer un aspect plus misérable. Ils étaient tous, presque sans exception, en haillons, affamés, sales et malades. Il n'y a pas là de quoi s'étonner, puisqu'ils sont en route depuis deux mois, sans avoir jamais changé de vêtements, sans pouvoir les laver, sans abri, et n'ayant que très peu de nourriture. Le gouvernement leur a donné, une ou deux fois, des rations insuffisantes. Je les observais un jour qu'on leur apportait à manger. Des animaux sauvages ne pourraient être plus avides. Ils se précipitaient sur les gardes qui portaient les vivres et ceux-ci les repoussaient à coups de gros bâtons. Plusieurs en eurent assez pour toujours : ils étaient tués! Quand on les voyait, on pouvait à peine croire que ce fussent des êtres humains.

« Si l'on passe à travers le campement, des mères vous offrent leurs enfants, vous suppliant de les prendre. Les Turcs ont déjà choisi les plus jolis, parmi les enfants et les jeunes filles. Ils serviront d'esclaves, s'ils ne servent à des buts plus vils. On avait même, dans ce dessein, amené des médecins pour examiner les jeunes filles qui plaisaient, afin de ne prendre que les meilleures.

« Il ne reste que peu d'hommes parmi eux : ils ont été tués en route pour la plupart. Tous racontent la même histoire ; ils ont été attaqués par les Kurdes et dépouillés par eux. Ces attaques se renouvelaient et beaucoup, surtout les hommes, avaient été ainsi tués. On a tué aussi des femmes et des enfants. Naturellement, beaucoup moururent aussi en route de maladie et d'épuisement. Tous les jours qu'ils passèrent ici, il y eut des cas de mort. Plusieurs transports distincts sont arrivés ici et, après un ou deux jours, on les poussait plus loin, apparemment sans aucun but déterminé. Ceux qui arrivèrent ici ne forment, tous ensemble, qu'une petite partie de ceux qui partirent de leur pays natal. Si on continue à les traiter ainsi, il sera possible aux Turcs de se débarrasser d'eux dans un temps relativement court37. »

 

C'est ce que confirme de son côté un Allemand, « témoin oculaire » : « Kharpout est devenu le cimetière des Arméniens ; on les a transportés de toutes les directions à Kharpout pour y être enterrés. Ils gisent là et les chiens et les vautours dévorent leurs corps. De temps en temps, un individu jette un peu de terre sur les cadavres31. »


sources ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Harpout                              https://www.imprescriptible.fr/carzou/p3c2e.htm

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